Début octobre, nous avons pour la 1ere fois réuni tous les propriétaires forestiers de la Vigotte pour leur présenter les questionnements et cheminements que l’on mène avec l’un d’entre eux autour d’une gouvernance plus collective de la forêt. Mais s’attaquer à la notion et au principe de propriété, c’est assez sensible, parfois même tabou. Pourtant difficile d’en faire l’économie pour aborder les enjeux de gouvernance et peut-être à terme, de commun.
Travailler les communs par deux voies parallèles (petit rappel des épisodes précédents)
Notre point de départ, c’est l’hypothèse selon laquelle faire de la forêt un commun (et donc la doter d’une gouvernance plus collective), permettrait de la rendre plus robuste et résiliente.
Nous avons commencé par mener quelques entretiens et avons fait de l’observation participante dans des dynamiques en cours, notamment la démarche Dominos pour la construction d’un plan de gestion concerté en s’interrogeant sur la mobilisation des contributeurs au plan de gestion de manières plus pérenne (qui devrait être parties prenantes ? Pour faire quoi ? A quoi ça ressemblerait ?).
Nous avons un peut mis de côté le terme « commun », pour privilégier celui de « coopération », les communs en étant des formes très abouties.Un des moteurs de la coopération étant les liens interpersonnels, nous avons tenté de mieux expliciter les endroits de collaboration ou de coopération existants. Lors d’un atelier Dominos, nous avons donc tenté de cartographier les liens entre les personnes présentes, puis, nous avons réuni quelques personnes dans un atelier sur « l’engagement ». L’objectif : creuser avec eux ce qui les incite à participer aux dynamiques et ateliers proposés par la Vigotte, et voir s’ils pourraient consister une sorte de noyau dur dans ce commun en devenir.
En parallèle, nous avons réalisé une série d’entretiens auprès des propriétaires forestiers pour mieux comprendre leurs attachements et leurs envies pour la forêt de la Vigotte. Car avant de mobiliser des non-propriétaires en leurs raconter un commun en devenir, encore fait-il s’assurer que l’on saurait trouver quelque souplesse et pas de côté dans le cadre existant de la propriété.
Rendre visible ce qui rassemble les propriétaires aujourd’hui et les défis auxquels ils devront faire face
Pour partager ces entretiens, nous avons choisi de matérialiser les préoccupations des uns et des autres par des artefacts – des objets fictifs qui symbolisent ce qui nous a été raconté, appuyé par des citations des entretiens. Le but est de garder un maximum la part de sensible de ces entretiens, en les incarnant de manière assez tangible dans des objets.
Le livret propriétaire et son contenu est à retrouver ici.

Début octobre, nous avons réunis les propriétaires pour un temps de partage de cette enquête l’occasion d’aborder les perspectives communes qu’ils projettent sur la forêt mais qui ne sont pas forcément partagées, et rendre explicites des modalités de gestion parfois informelles. L’objectif était principalement d’engager ces derniers dans une dynamique plus collective (plutôt que de penser chacun à l’échelle de sa parcelle).
C’est un premier pas, qui appelle à une maturation de la réflexion sur les communs et la coopération du côté des propriétaires. Cela prendra du temps, et malheureusement nous nous en tiendrons là dans le cadre du programme, passant le relais à La Vigotte Lab pour animer la suite des échanges.

Suite et perspectives : ré-embarquer l’acteur public
Ce terrain de Tronc Commun avait comme partis-pris de regarder les enjeux de gouvernance du côté des propriétaires privés, considérant qu’il s’agit du type de propriété majoritaire sur le territoire (75%), et que ce contexte (par la taille de la forêt concernée, par l’éloignement géographique et d’intérêt de certains propriétaires, par l’absence de vocation productive) en fait un bon « échantillon de propriété ».
Cependant, nous avons tenté de regarder les liens de porosité avec les acteurs publics : à la Vigotte, la forêt publique avoisine la forêt privée, et penser la gestion de la vallée dans son ensemble nécessiterait une coopération renforcée publique-privée. Nous avons donc rencontré le mairie du Girmont Val-d’Ajol à plusieurs reprises, et aux mêmes titres que les autres propriétaires, quelques verbatims figurent dans le livret de restitution. L’idée était de montrer qu’acteurs privés comme publics pouvaient converger autour de défis similaires, ou a minima rendre visible ses préoccupations.
En tant qu’accompagnateurs des propriétaires privés, le Centre National de la Propriété Forestière ou la Chambre d’Agriculture pourraient être de bons interlocuteurs pour tirer quelques enseignements du programme, et regarder comment ce qui est expérimenté à la Vigotte pourrait être utile à d’autres propriétaires, et participer à une transformation (même lente) de la propriété privée.

